LES FAMILLES DE PARFUMS

LES FAMILLES DE PARFUMS

Il existe des centaines de parfums sur le marché et pour se repérer dans cet univers, le parfumeur les classe en FAMILLES. On en dénombre cinq en général; COLOGNE / EAUX FRAICHES, FOUGERE, ORIENTALE, CHYPRE et FORALE. Chacune est caractérisée par une identité olfactive propre, mais derrière ces Familles se cachent des aventures…

La famille FOUGERE reprend le nom du premier parfum, Fougère Royale qui, à la fin du XIX eme siècle, a innové par ce fameux accord « Lavande, Géranium, et fève tonka ». Tous les parfums construits comme lui sur cet équilibre et qui s’inscrivent dans son sillage sont dits « Fougère »; en les sentant, on peut percevoir un effet commun, l’effet fougère. Depuis 1882, les Fougères ont bien évolué; différentes pistes ont été explorées, certaines sont plus fraiches, d’autres plus boisées, d’autres sont fruitées ou marines… mais on peut toujours discerner ce lien olfactif entre les parfums d’une même famille. En les comparant, on perçoit un fil conducteur, on se rend compte qu’ils s’inscrivent dans une Histoire, parfois prodigieuse, parfois plus faible mais toujours passionnante et derrière laquelle se cache un peu de l’histoire des hommes qui les ont créés. Nous vous invitons à découvrir les familles de parfums et leurs caractères majeurs…

Cette rubrique vous guidera dans la création de vos parfums lors de l’achat de nos bases.

1. LES FAMILLES « COLOGNE » ET « EAUX FRAÎCHES »

a. LA « COLOGNE »

En 1765, un homme, Jean-Marie Farina, a l’idée de commercialiser une « potion » aux nombreuses vertus thérapeutiques et qui sent bon! la formule lui vient de son oncle qui lui même la tient de moines dominicains établis au couvent santa Maria Novella de Florence depuis le XIII ème siècle…
Cette formule relativement simple est délicieuse… L’accord est frais, tonique, il met de bonne humeur… C’est sobre et tellement universel que nous la portons toujours aujourd’hui avec le même plaisir…

L’accord s’appuie sur 3 aspects, trois facettes fraîches : Environ 80% de notes hespéridées (ou Citrus), 10 à 12 % de notes orangées (Le néroli qui est l’essence de fleurs de bigaradier) et moins de 5% de Romarin. Voilà les matières premières absolument nécessaires à créer cet effet frais propre aux « Colognes ».
A cet accord peuvent s’ajouter quelques petites notes secondaires (épicée Girofle, ou florale rose) qui marquent l’identité de telle ou telle fragrance, mais ces aspects secondaires ne peuvent pas dépasser quelques pour cent dans la formule car sinon, l’équilibre « Cologne » serait rompu au profit d’un autre type, épicé, floral… marqué par le produit ajouté en trop grande quantité. La famille Cologne est donc assez peu représentée sur le marché. C’est un parfum peu persistant car tous ces composants sont des notes de tête. La grande majorité des autres parfums frais sont des Eaux Fraîches. Ah! « l’Eau Fraîche » de Christian Dior, encore un grand parfum qui a ouvert la voie à une série d’autres, construits comme lui sur un accord fort…

b. LES « EAUX FRAÎCHES »

Au XVIII ème siècle, on connaît la « Cologne », simple et authentique qui toujours remporte le même suffrage auprès de tous. Ce n’est que dans les années 60 qu’un parfumeur de génie, Edmond Roudnitska apporte une nouvelle contribution aux parfums frais en créant « l’Eau Fraîche ». Ce parfum a la fraîcheur d’une Cologne mais il est persistant (La Cologne tient 1 heure au plus)… L’idée de génie est celle-ci : à un accord COLOGNE, Edmond Roudnitska associe un fond CHYPRé composé de patchouli et de Mousse de Chêne. Ces deux notes boisées sont extrêmement persistantes et ensemble, rappellent le sillage du fameux « Chypre » de Coty (1917) qu’Edmond Roudnitska vénère. L’Eau Fraîche de Christian Dior ne connaitra pas un grand succès mais 10 ans plus tard, L’Eau Sauvage, du même Edmond Roudnitska, marquera un tournant dans l’histoire. Les hommes ont enfin une alternative aux parfums à la lavande, et surtout, ils ont un parfum qui s’accorde avec leur mode de vie plus dynamique. Edmond Roudnitska avait l’habitude de dire que le succès d’un parfum tient à la rencontre entre celui-ci et son public; c’est une belle idée, humble puisque l’Eau fraiche très proche de L’Eau Sauvage n’avait pas trouvé le sien, une belle idée aussi car elle montre que le parfumeur qui croit en son travail doit toujours persévérer.

La famille Eau Fraiche est née et connaitra une grande descendance : L’Eau de Rochas, Ô de Lancôme et même L’Eau d’Orange verte en sont de dignes successeurs, tous trois marquées par ce fond Chypré. Beaucoup plus tard, aux abords des années 80 et dans un nouveau contexte de création artistique, de nouvelles molécules aux notes marines, vertes, musquées, fruitées… offriront une multitude de variations sur le thème « Eau fraiche ».

2. LA FAMILLE « fougère »

La famille FOUGERE reprend le nom du premier parfum, Fougère Royale qui, à la fin du XIXème siècle, innove par ce fameux accord « Lavande, Géranium, fève Tonka ». La lavande ayant traditionnellement été portée par les hommes, les parfums fougères sont plutôt des masculins. Pour les mêmes raisons, il y a un type « fougère », une filiation « fougère ». Bien sûr, avec le temps, la modernité attendue par les consommateurs, cette famille a considérablement évolué. Les fougères d’aujourd’hui sont moins vanillées (moins Tonka), elles sont plus légères, plus florales et fraîches, et surtout, elles peuvent suivre des tas de variations, tant ce style plaît et suscite inspiration. On parle de fougère fruitée, marine, ambrée… Voici les grands parfums qui ont marqué cette lignée (voir image).

3. LA FAMILLE « chypre »

La famille CHYPRE reprend le nom du Chypre de Coty qui, au début du XXème siècle, innove par ce fameux accord marqué par un fond « Patchouli et Mousse de Chêne ». François Coty réussit à équilibrer cet aspect boisé presque « cuir » par un cœur floral dense de rose et de jasmin naturels. En tête, la Bergamote « éclaire » le tout. Le Chypre est un succès, suivi deux ans plus tard, de Mitsouko de Guerlain a la note « pêche » caractéristique. Féminins ou masculins, ces parfums ont beaucoup d’intensité; ils sont denses. Ceci ne va pas toujours avec l’évolution des tendances des années 80, 90. C’est donc après une période de léger désamour pour cette catégorie qu’une renaissance a lieu avec des lancements comme Flora ou Gucci Rush, plus floraux, frais ou fruités, plus « jeunes ».

Une autre retour s’observe, celui de parfums se situant entre deux familles et empruntant à la fois des aspects chyprés et orientaux. Les femmes trouvent dans Coco Mademoiselle ou Euphoria, l’aspect chypré qu’elles aiment et une sensualité donnée par la vanille, le santal ou le patchouli (facette marquant aussi les parfums orientaux).

4. LA FAMILLE « ORIENTALE »

Le premier parfum oriental qui ait marqué notre histoire est encore de François Coty. L’Emeraude, c’est son nom, n’est plus commercialisé, mais Shalimar créé quatre ans plus tard, en 1925, se situe tout à fait dans son sillage. Un oriental est toujours vanillé et les premiers parfums de cette catégorie sont également ambrés. Par la suite, le caractère vanille (ou caramel ou amande) reste une condition nécessaire mais le parfum peut être patchouli ou santal. C’est donc l’association Vanillé/Ambré ou Vanillé/santal (Amor Amor) ou encore Vanille/Patchouli (Angel, Flower Bomb) qui crée cet effet que l’on associe instinctivement à l’Orient. Les Orientaux peuvent présenter un second caractère, ce qui donne de nombreuses sous-familles : Orientaux fruités, Orientaux boisés et plus récemment, Orientaux fleuris qui, comme le nom l’indique ont l’intérêt de présenter une certaine légèreté florale tout en étant sensuels par leur aspect vanillé ambré ou boisé. Cette dernière tendance a fait « exploser » les ventes de parfums orientaux. Des succès féminins comme Armani Code, Hypnose, Dolce & Gabbana the One, L’instant… font tous partie de cette mouvance.

En dehors des fleuris Orientaux, les parfums de cette catégorie sont souvent contrastés entre une note de tête très fraîche (Bergamote, mandarine) et une note de fond « chaude » et persistante.
Pour homme, les Orientaux représentent moins de parts de marché mais séduisent une catégorie d’hommes à la recherche d’une douceur enveloppante.

5. LA FAMILLE « FLORALE »

Elle est ainsi nommée en raison du fort caractère floral des parfums qui la constituent; soit ce caractère est dû à une seule fleur, on parle alors de parfum soliflore, soit il est dû à un ensemble de fleurs; on parle alors de Bouquet floral. Certaines fleurs s’accordent naturellement car elles présentent des facettes, des constituants en commun. A titre d’exemple, des accords comme, Rose Muguet Jasmin (dans Diorissimo avec une dominante muguet ) ou encore, Tubéreuse, fleur d’oranger, jasmin (dans Fracas) – sont classiques. L’étendue des notes florales et leur capacité à s’accorder avec d’autres notes est si vaste que l’on trouve de nombreuses sous-familles : famille Florale verte (accord floral et notes vertes comme dans Vent vert), Florale aldéhydée (Chanel N°5), florale fruitée, florale douce (vanillée)…

En Europe, notre culture nous incite à associer, notes florales et parfums féminins; ce n’est pas le cas pour d’autres cultures; dans le monde arabe, les hommes portent la rose ou le jasmin abondamment et il n’y a pas de frontière entre parfums féminins et masculins. Cette approche commence à gagner notre continent.

L’ HISTOIRE DU PARFUM

L’ HISTOIRE DU PARFUM

Bienvenue à tous les passionnés qui souhaitent se former à l’art du parfum depuis le XIXème siècle. Cette période est fondatrice pour la parfumerie moderne; elle ne marque pas seulement le début de cette Industrie du luxe telle que nous la connaissons; c’est aussi et surtout, le moment où, porté par les développements de la science et des techniques, le parfumeur commence à disposer d’une plus large palette de matières premières pour travailler. Ces produits, souvent « de synthèse », utilisés dès 1884 sont des molécules existant ou non dans la nature. En apportant de nouveaux aspects olfactifs à la « palette du parfumeur », ils marqueront certains parfums célèbres comme aucun produit naturel n’aurait pu le faire.
Cette innovation est à l’origine d’un tournant dans l’histoire du parfum; ce qui n’était encore qu’un artisanat va devenir un véritable art majeur…

LES GRANDES ETAPES DE LA PARFUMERIE MODERNE

1 – L’Eau de Cologne – XVIIIème siècle – Se parfumer prend un nouveau sens.

Le parfum est attesté depuis l’antiquité mais sa vocation, son usage, sont très différents de ce que nous en faisons aujourd’hui. Les Egyptiens honoraient la divinité en l’enduisant de parfum, tandis que pour les Grecs, les dieux sentent naturellement bon car leur chair est incorruptible. Ces fondements sont ancrés dans notre mémoire collective mais pour ce qui est du parfum tel que nous l’utilisons pour plaire et se réjouir, tout commence vraiment au début du XVIII ème siècle. Alors, un Italien, Jean Marie Farina, a l’idée d’ouvrir un comptoir commercial dans la ville de Cologne pour y vendre une « potion », agréée par la faculté de médecine car elle présente de nombreuses vertus thérapeutiques. Il tient la formule de son oncle, Gian Paolo Feminis, qui lui même la tient de moines dominicains établis à Florence depuis le XIII ème siècle au couvent Santa Maria Novella. Ce « médicament » que l’on verse volontiers dans du vin est composé d’huiles essentielles : Orange, Citron, Bergamote, ensemble, entrent dans la composition à hauteur de 80% environ, Romarin à moins de 5%, et fleur d’oranger et petit grain (essence des feuilles d’oranger) entre 6 et 12%. C’est trois aspects en font l’accord principal. La potion tonifie, protège des maladies respiratoires, purifie… Elle possède toutes les vertus et bientôt séduit les cours d’Europe. Napoléon se fait frictionner à l’Eau de Cologne et en utilise dit on 60 flacons par mois. Le geste qui consiste à se parfumer prend un nouveau sens, la Cologne fait bientôt partie de l’hygiène de la vie quotidienne et apporte plaisir et bien-être.

2 – L’introduction des produits de synthèse en parfumerie – Le XIXème siècle – Les débuts d’un art Majeur.

Pour un parfumeur, la qualité d’un parfum n’est en rien liée à la présence de produits de synthèse dans sa formule. Le « nez » joue facilement avec 300 à 500 matières premières et les produits qu’il utilise sont naturels (essences et absolues) ou synthétiques. Il faut sortir du cliché d’une parfumerie ancienne, authentique et luxueuse qui aurait été supplantée par une parfumerie moderne, synthétique et de facture médiocre. La parfumerie moderne, capable d’évoquer non pas une mais mille roses, suggérant des formes parfois abstraites ou naturalistes; cette parfumerie qui produit sur nous des émotions aux registres les plus variés, est bien plus passionnante et fait du parfumeur, un artiste. Le premier parfum à avoir utilisé un produit de synthèse est le fameux « Fougère Royale » de Houbigant en 1882. La coumarine qui existe à l’état naturel dans la Fève Tonka y est utilisée pure et y apporte une note « amande » très marquée. Ce parfum est le premier d’une grande famille dite « Fougère » où la lavande, le Géranium, la coumarine créent par leur association, un accord caractéristique des parfums de cette lignée.

En 1925, Jacques Guerlain lance Shalimar. L’introduction de la vanilline y est capitale, elle lui apporte une note beaucoup douce, plus « sucrée » qu’aucun absolue de vanille naturelle n’aurait pu lui donner. De même, pas de Chanel N°5 sans les aldéhydes en 1921 et la liste des exemples pourrait être longue… Certains produits de synthèse n’existent pas dans la nature et leur utilisation élargit considérablement l’orgue du parfumeur, sa palette et sa créativité. C’est le cas de la Calone, cette note marine si spéciale utilisée dans Escape, puis L’Eau d’Issey Miyake. La parfumerie et la Chimie fine ont deux histoires intimement liées et c’est grâce à leur rencontre qu’est née la parfumerie d’aujourd’hui.

3 – Les années 1920 / 1930 – Un foisonnement sans précédent, la naissance de chefs d’œuvres toujours portés aujourd’hui.

Les années 1910 à 1930 sont marquées par une période de grande fécondité dans le domaine du parfum. Ces décennies verront la naissance d’œuvres de référence telles que « Le Chypre » de Coty à l’origine de la famille du même nom, « L’Emeraude » qui ouvre la voie des parfums Orientaux ou Le « N°5 », « Shalimar », « L’Heure Bleue » de Guerlain et d’autres parfums encore portés aujourd’hui. Si ces fragrances sont intemporelles, c’est sans doute parce qu’elles sont construites sur des idées fortes et qu’elles s’expriment avec une certaine « limpidité »; leur formule est assez courte; leur écriture est synthétique et sûre.
Ce moment de foisonnement, de recherche dans toutes les directions révèlera des personnalités qui marqueront profondément l’histoire de notre art.

Le Chypre :
En 1917, François Coty compose un accord nouveau où patchouli et mousse de chêne répondent à un cœur floral riche de rose et de jasmin. En tête, la bergamote rafraîchit l’ensemble. L’accord est fort, corsé car en quantités significatives, patchouli et mousse marquent le parfum de façon presque tannique. Il est donc nécessaire d’équilibrer avec des notes florales opulentes. Le parfum est un succès et sera suivi deux ans plus tard, de « Mitsouko » de Guerlain à la note pêche caractéristique (donnée par l’undécalactone gamma, un autre produit de synthèse si important en parfumerie).

Le Mythe « N°5 » :
Quel est le parfum le plus vendu au monde ? Avec qui Marylin s’endormait elle fidèlement chaque soir ? Quelle marque peut s’offrir le luxe d’acheter pour sa seule utilisation l’entière production d’essence de rose de mai (à Grasse) ? Le N°5 Bien sûr. En 1921, Ernest Beaux, parfumeur, propose cinq soumissions à Gabrielle Chanel qui désire lancer son premier parfum. Elle choisit le 5ème échantillon; il serait le résultat d’une erreur de dosage de la part d’Ernest beaux qui aurait mis dix fois plus d’aldéhydes que prévu. Le parfum est présenté lors du défilé de mode organisé le 5 mai qui est aussi le cinquième mois de l’année… Tous ces signes augurent ils d’une œuvre au succès prédestiné ? Le mythe est il né de ces mêmes signes ? Et si le succès du N°5 était plutôt le fruit du talent et du travail de la marque à faire vivre ses parfums dans le temps ? Remarquable, le N°5 l’est aussi bien sûr par son accord qui ne révèle pas une note en particulier mais une forme pourrait-on dire, une émotion, une identité très reconnaissable; un parfum de femme qui sent la femme disait Gabrielle Chanel… L’accord est simple : Floral, Rose, Jasmin, Ylang, très doux, vanille, tonka, poudré, iris, avec un fond légèrement chypré. Et les aldéhydes ? les aldéhydes, bien sûr, mais sans eux, on reconnaît tout de même le N°5… Donc un accord structuré, à forte identité.
Un flacon simple (standard presque au départ) que Chanel prend soin de retoucher régulièrement et imperceptiblement. Comme la formule ? Personne ne le sait. La force de Chanel est de ne pas avoir peur d’évoluer; de se renouveler dans la continuité. Mais se renouveler, ce n’est pas se renier, c’est rester fort, au fait de son temps, invincible qui sait ?

A suivre : L’Emeraude et Shalimar; L’Heure Bleue; L’Air du temps…